the curve / la courbe 2025

Série de six dessins puzzles aux crayons de couleurs de 120 X 160 cm chacun, réalisés spécialement pour la Nuit blanche Paris, suite à l’invitation de Valérie Donzelli et Alba Dass. Ils ont été exposés au cinéma des 7 Parnassiens.
Extraits du film de Tobe Hooper de 1974, Massacre à la tronçonneuse, il s’agit d’un gros plan et d’un très gros plan de l’œil halluciné et terrifié de Sally Hardesty, seule personnage à survivre dans le film. Cette scène arrive vers la fin du film, après une nuit blanche passée à fuir un danger mortel.

L’œil hallucine de ce qu’il voit et nous ne voyons pas tout de suite le stimuli de cette angoisse. On ne peut qu’imaginer le hors champ et celui-ci semble particulièrement effrayant. Le globe oculaire traduit une émotion de haute intensité. Il est écarquillé, humide et semble au bord de la folie. C’est ce bord qui m’intéresse car l’héroïne Sally Hardesty ne basculera pas, justement. Elle fera face et sortira de la boucle sans fin de la violence.

La courbe sera pour elle un chemin et nous une fin. Pour moi, ce regard incarne le choix que la victime doit faire après un trauma, celui de passer du côté des bourreaux ou celui de sortir de la voie toute tracée de la reconduction infinie de la violence en se libérant de la chaîne de la cruauté, en s’affranchissant du mal, en prenant la courbe de la guérison.
Je fais le postulat que la traversée vers un autre monde est possible, celui de l’apaisement. Pour y arriver, à mon sens, il faut réintégrer la peur. La terreur certes est douloureuse mais tient en éveil sa propre humanité et fait ainsi partie du chemin tortueux vers la guérison. Ne jamais accepter l ’inacceptable, ne pas capituler face au cycle du crime qui se déguise en nature inéluctable, c’est la résistance molle, celle des faibles, de victimes, des morts, des innocents, c’est la lutte à mort pour la vie, pour la lumière.

Massacre à la tronçonneuse est l’histoire d’une nuit blanche, nuit de tous les dangers de la bascule du côté obscur. L’œil de Sally incarne la résistance à l’obscurité. La ligne de crête de la cornée est fragile, transparente et souple. Elle ne se voit pas, mais existe bel et bien comme barrière protectrice. De surcroit, c’est elle qui transmet la lumière. Elle est courbe.

En tant qu’artiste, j’aime particulièrement la traduction comme outil privilégié des muets, des sans voix. La courbe se veut une traduction d’une angoisse chronique, qui nous précède et qui nous brûle. Mon but est de déplacer la brûlure dans le dessin, et de chercher en son centre la fuite vers un ailleurs qui est déjà là.